Accueil

rss

4 travailleurs sur 10 ont besoin de nouvelles compétences pour assurer leur maintien en emploi ou une reconversion professionnelle

L’intégration des connaissances et des techniques dans les outils de production a de tout temps façonné la relation des hommes au travail. Les compétences nécessaires pour les maîtriser sont de plus en plus complexes et la rapidité avec laquelle elles se diffusent impose une mise à jour régulière des connaissances. Certains métiers disparaissent, d’autres apparaissent et la plupart des travailleurs, sinon tous, voient leurs tâches se transformer. Pour s’adapter, la Belgique dispose d’un atout considérable, une population très éduquée. Bémol, notre population active vieillit. L’allongement des carrières renforce le risque d’obsolescence de connaissances acquises voici plusieurs décennies. La solution est connue. Nous, citoyens, entreprises, pouvoirs publics, devons investir dans la formation continue tout au long de la vie (lifelong learning). Pourtant les choses ne sont pas si simples comme l’a constaté le CSE dans son dernier rapport.
La moitié des travailleurs a au moins une opportunité de formation par an, ce qui place la Belgique dans la moyenne européenne. Mais le nombre d’heures de formation est sensiblement inférieur à ce que connaissent nos principaux partenaires. Si l’on considère que la durée des formations est un indice de l’ampleur des compétences qu’elles permettent d’acquérir, ce constat n’est pas favorable compte tenu des enjeux. Par ailleurs, ce sont les personnes dont l’employabilité est plus fragile comme les personnes faiblement diplômées et les plus de 55 ans qui participent le moins à des formations. On n’observe pas d’amélioration notable sur ce point.
En Belgique, 40 % des travailleurs auraient besoin de nouvelles compétences pour assurer leur maintien en emploi ou une reconversion professionnelle. Pourtant quatre adultes sur dix ne souhaitent pas participer à une formation continue. La moitié (54 %) seulement des travailleurs estime très important d’être formée dans le cadre de leur emploi actuel. Plus interpellant encore, compte tenu des défis qui s’annoncent, les pourcentages de ceux qui jugent important (43%) ou très important (13%) de se former pour un autre emploi sont parmi les moins élevés au niveau européen. Comment justifier cette attitude ?
Cela pourrait s’expliquer par la relative stabilité qui caractérise l’emploi dans notre pays. Les travailleurs perçoivent moins le besoin de se former pour un emploi différent de celui occupé. Autre raison, les bénéfices que retirent les travailleurs de la formation apparaissent relativement limités en termes de progression de carrière et de revenus. Ceux-ci seraient principalement liés à la possibilité d’utiliser les compétences nouvellement acquises sur leur lieu de travail. Etonnamment, cela semble être moins fréquemment le cas en Belgique. Des barrières pratiques sont aussi évoquées comme frein à la participation à une formation. Les travailleurs mentionnent le manque de temps ou de flexibilité des horaires. Les raisons liées à la santé sont fréquemment évoquées par les travailleurs en fin de carrière, mais également par ceux qui sont faiblement diplômés.
Point positif, le Conseil constate que la très grande majorité (84%) des entreprises contribue à la formation de ses travailleurs, c’est davantage que la moyenne de l’UE et pas loin des meilleurs. Certes, la stratégie de formation diffère en fonction de la branche d’activité dans laquelle l’entreprise est active. Certaines sont en retrait, comme l’Horeca et le commerce de détail, d’autres à la pointe, comme les services financiers. En moyenne, la taille de la firme reste cependant un déterminant important de l’intensité de formation. Le Conseil, même s’il ne se prononce pas sur le sens de cette causalité, note que les firmes les plus productives ont une intensité de formation plus élevée. Il montre aussi que les investissements en formation ont un impact positif sur la productivité et sur les salaires, mais que l’effet sur la productivité prévaut. Autrement dit, l’investissement dans la formation est rentable pour les employeurs.
Partant du constat que ce sont les employeurs qui financent l’essentiel des efforts de formation professionnelle, alors que les gains attendus sont partagés entre l’entreprise elle-même, son salarié et potentiellement les employeurs futurs, les efforts de formation engagés peuvent être inférieurs à ce qui serait socialement souhaitable. Les politiques publiques de formation continue visent donc à accroître les efforts de formation en raison des externalités positives qui en découlent pour l’économie en général et la sécurité sociale. Les travailleurs mieux formés sont plus productifs et plus employables, ce qui réduit leur risque de chômage (en tout cas de durée de chômage) et d’inactivité.
Un ciblage spécifique sur certains groupes sous-représentés est d’autant plus pertinent que ce sont aussi ceux dont l’employabilité est la plus à risque. Le Conseil note avec satisfaction que la formation des travailleurs est plus que jamais un axe essentiel de la politique de l’emploi. Elle se traduit par la réalisation de projets complémentaires tels que le compte individuel de formation en concertation entre le gouvernement fédéral et les entités fédérées. De nombreuses initiatives régionales ayant trait à la formation continue – telles que les initiatives en matière de formation et de carrière en Flandre, le renforcement des infrastructures de formation de pointe en Wallonie, la stratégie de relance du marché de l’emploi à Bruxelles – figurent dans le plan belge pour la reprise et la résilience approuvé par la Commission européenne et pour lequel des financements seront délivrés. La Belgique entend par ailleurs prendre sa part dans la réalisation de l’objectif de l’UE pour qu’en 2030, 6 européens sur 10 âgés de 25 à 64 ans bénéficient
d’une formation continue. Le Conseil s’en réjouit car ce sera une contribution essentielle au relèvement à 80 % du taux d’emploi auquel s’est engagé le gouvernement.
Conformément à sa mission, le Conseil s’est fondé sur ces analyses pour formuler une série de recommandations concrètes qui s’adressent prioritairement aux autorités publiques fédérales, régionales et communautaires, mais aussi aux partenaires sociaux, aux prestataires de formations et n’oublient pas les acteurs directs que sont les travailleurs et les entreprises. Elles s’articulent autour de 4 axes:

  • I. Améliorer la coordination et rationaliser le système de formation continue (Lisibilité et simplicité, Concertation et coordination, Compte individuel de formation, Financement adéquat).
  • II. Mieux aligner l’offre de formation sur les besoins du marché du travail (Analyse prospective des besoins, Adapter l’offre, Assurer la qualité, Sensibiliser aux opportunités).
  • III. Encourager la participation, en particulier pour les groupes sous-représentés (Mesures ciblées et méthodes adaptées, Accompagnement, Validation des compétences, Organisation du travail et Soutien aux PME).
  • IV. Renforcer l’outil statistique pour évaluer la politique de formation (Données statistiques de qualité, Transparence et reporting, Big data et Culture de l’évaluation).